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un inventaire de romans et de nouvelles georges dumézil. mythe et épopée i. 1968. 13 juillet 2011 voici un livre un peu différent des autres dans la mesure où ce n’est ni une fiction, ni un récit mais un essai, parfois assez ardu qui marque en quelque sorte le zénith de l’oeuvre de l’auteur. georges dumézil est l’une des figures marquantes de la mythologie comparée et l’un des chercheurs qui contribua, vers le milieu du xxe siècle, au renouveau des études indo-européennes, sujet souvent mal connu, parfois terni d’une sombre réputation et à propos duquel il me faudra d’abord donner d’indispensables précisions. l’indo-européen l’indo-européen est avant tout une hypothèse linguistique dont une poignée d’érudits eurent l’intuition dès le xviie siècle en constatant les nombreuses similitudes entre les langues sanskrites ou persanes et des langues européennes. plusieurs siècles d’études et l’affirmation scientifique de la linguistique confirmèrent l’hypothèse d’une origine commune à la plupart des langues d’europe, persanes et sanskrites. cette langue commune, l’indo-européen, dont sont issues plusieurs familles de langues (italo-celtiques, germaniques, grecques, indo-aryennes, etc…) a fait l’objet d’un long et patient travail de compréhension et de reconstitution, par le déchiffrement des « langues filles », par comparaison entre celles-ci ou encore par l’étude des évolutions syntaxiques, phonétiques… au point que, si le rêve un peu naïf d’une recréation de l’indo-européen originel n’est plus un enjeu scientifique, bien des aspects de cette hypothétique » langue mère » — tels qu’un riche vocabulaire, la syntaxe, la phonétique — ont été aujourd’hui sérieusement reconstitués. les indo-européens la problématique qui s’imposa rapidement après l’hypothèse d’une langue commune et « originelle » fut de s’interroger sur l’existence et la nature du peuple qui l’avait parlée. en clair : si toutes les langues indo-européennes sont issues d’une langue unique, les peuples qui parlent ces langues sont-ils pareillement les « descendants » d’un unique peuple qui aurait « colonisé » l’europe et une grande partie de l’asie, jusqu’aux confins de la chine ? cette nouvelle hypothèse donna lieu à bien des théories qui contribuèrent à ternir l’image des études indo-européennes. l’identification des indo-européens (parfois appelés proto indo-européens) fut le prétexte d’élucubrations fantasques, comme le recours à l’atlantide, au mythe de thulé, ou d’affirmations orientés par des idéologies racistes ou nationalistes : comme le détournement par les nazis du terme « aryen » à partir du mot aryas dont se désignaient indiens et iraniens (le mot « iran » vient de là) ou encore l’intérêt que porte la « nouvelle droite » aux études indo-européennes. a partir du milieu du xxe siècle, des données archéologiques, recoupées aux éléments linguistiques permirent de construire la théorie des kourganes qui, bien que toujours sujette à discussion, reste solide et aujourd’hui la plus communément admise ; elle situe les protos indo-européens aux alentours du ve millénaire av. j.c. (mais avec des fourchettes de quelques milliers d’années selon les chercheurs) au sud de la russie, au nord du caucase. la compréhension de la culture des proto-indoeuropéens par la mythologie comparée, qui veut s’inspirer de la méthode par comparaisons des linguistes, piétine elle aussi au début du xxe siècle, elle se proposait d’utiliser des méthodes de comparaison inspirées des études linguistiques afin de dégager des schèmes communs aux différentes mythologies indo-européennes. mais quelques évidences mises à part (l’identification de dyau-pita, le père-ciel indien et de jupiter) il manquait une grille de lecture qui permît de telles comparaisons, des grilles que la mode des mythologies « naturalistes » ne pouvait fournir. les trois fonctions c’est george dumézil qui fournit cette structure d’analyse manquante avec sa théorie des trois fonctions. selon celle-ci, les indo-européens auraient partagé une idéologie fondée sur la division des dieux — et parfois des hommes — en trois groupes incarnant chacun une fonction « sociale » : - la première fonction est sacerdotale et juridique, mais elle peut par extension devenir celle de l’intelligence ; - la deuxième fonction est celle des guerriers - la troisième, plus composite (elle est souvent appelée « la troisième fonction » par georges dumézil) regroupe les activités « matérialistes » de la production agricole et de la fécondité, par extension de la sexualité et de l’érotisme. cette théorie des trois fonctions va permettre à dumézil et à d’autres d’analyser et de comparer, par exemple, la triade principale des dieux scandinaves, odin, þórr (thor) et freyr et l’organisation du culte de la rome archaïque ( jupiter, mars, quirinus) ou encore avec les premières « varnas » (les castes) de l’inde (brahmanes, ksatriyas et vaisyas). plus généralement, la théorie des trois fonctions va rendre plus claire et cohérente bien des aspects des rituels, des œuvres littéraires, des épopées ou encore des poèmes produits de l’islande jusqu’aux confins de l’asie. la théorie des trois fonctions va bien au delà de simples rapprochements, elle dégage de vrais similitudes entre la structure de ces récits, des similitudes cohérentes et organisées de telle sorte que la seule explication est celle d’une filiation commune à un « schéma fondateur » qu’auraient produit les protos indo-européens. ne serait-ce donc que du seul point de vue comparatiste, mythe et epopée i constitue une formidable entrée en matière au coeur des trois fonctions et de l’appréhension de l’hypothétique pensée indo-européenne. elle ne se présente pas sous la forme d’une synthèse aride, mais par le biais d’études détaillées, vivifiées par la démesure de l’inde antique ou au contraire assombrie par l’inquiétant drame scandinave et enrichies de récits toujours passionnants, souvent pittoresques, drôles parfois, voire scabreux…le premier livre de mythe et épopée i se consacre à l’analyse de la gigantesque épopée indienne, le mahâbhârata dont les cinq « héros », les frères pandavas sont analysés comme une variante des trois fonctions : l’aîné (qui est le fils de dharma, le dieu… du dharma, ou de l’ordre cosmique, pour faire court) représente la première fonction ; les deux suivants bhima et arjuna, fils respectifs des dieux vayu (le vent) et indra (le roi des dieux, dieu des nuées) décomposent la fonction guerrière en deux aspects : la force brute (c’est le guerrier solitaire, comme hercule ou þórr dont il partage la prédilection pour la massue — ou le marteau) tandis que le second est le soldat « civilisé » ; enfin, les deux derniers frères, des jumeaux, représentent la troisième fonction par leur affinité avec le monde agricole. cette identification des personnages principaux à la structure des trois fonctions permet une complète relecture du mahâbhârata dont le caractère eschatologique prend une nouvelle dimension, elle ouvre aussi tout un potentiel de comparaisons avec l’autre grande eschatologie indo-européenne : le ragnarök, la sombre perspective vers laquelle s’avance toute la mythologie nordique depuis la mort du meilleur d’entre-eux, le lumineux balder. ce travail de comparaison, dévoile de singuliers rapprochements, par exemple entre le scandinave heimdallr et l’indien bishma qui — bien que « bon » — combat du coté du « mal » et qui, suspendu au dessus d’un lit de flèches dont il es transpercé, use de son privilège de repousser la mort, pour dispenser à ses neveux de nombreux et précieux enseignements. même vishnou, que l’on ne soupçonnerait pas « indo-européen », tant il s’intégrera ultérieurement à la trinité hindouiste, montre de troublantes ressemblances avec l’ase mystérieux et silencieux vidar qui, à la fin du ragnarök, sauve in-extremis le monde en tuant le loup fenrir d’un seul pas fabuleux. mythe, épopée, récit le deuxième livre de mythe et épopée i , une exploration en profondeur dans l’épopée des nartes, n’